Rosetta Stone ¤ British Museum |
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Ce 5 mars 2015, à Bruxelles, la Cour de Justice de l’Union Européenne
a tranché : la TVA appliqué en France au livre numérique ne sera plus de
5,5 % comme le livre papier, mais repassera à 20 %.
La raison : le livre numérique est un bien dématérialisé, il est
a considéré comme un service et non un bien culturel.
Bien.
Soyons pragmatique juste un instant. Quelle est la différence entre
livre numérique et livre papier ? Le support !
L’unique différence est le support !
Pour la Cour de Justice de l’Union Européenne, le livre numérique
n’est donc pas considéré un livre à part entière. Mais sait-elle cette chère
CJUE que deux millénaires plus tôt le livre tel que nous le connaissons
n’était lui-même pas considéré comme un vrai livre lui aussi ?
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This March 5th,
2015, in Brussels, the Court of Justice of the European Union settled: in
France, the VAT applied on eBook would no longer be of 5.5 % as on print
copy, but will go back to the 20 % rate.
The reason: the eBook
is a digitalized good, it is to be considered as a service, not a cultural
good.
Well.
Let’s just be
pragmatic here for a minute. What is the difference between an eBook and a
print copy? The medium.
The only difference
is the medium!
So, for the Court of
Justice of the European Union, an eBook isn’t considered to be a
fully-fledged book. But does the CJEU dearest know that two millennia back,
the book as we know it wasn’t itself considered to be a real book either?
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Petit rappel historique et culturel sur l’évolution du livre.
Revenons donc en arrière, bien avant la tradition des moines copistes et de
l’imprimerie de Johannes Gutenberg en 1455.
L’invention de l’écriture précède celle du livre.
A ce jour, la Mésopotamie est considérée comme le berceau de
l’écriture. Le sumérien, et son écriture cunéiforme, serait la plus ancienne
langue écrite connue, née vers 3600 av. J.-C.. A l’origine, le sumérien était
une méthode fiable d’enregistrement des transactions, le commerce et
l’administration trop complexe pour les capacités de mémorisation de l’homme.
Le hiéroglyphe (littéralement caractère ‘glyphe’ sacré ‘hiéros’)
égyptien naît vers 3300 av. J.-C..
Certains spécialistes vont jusqu’à affirmer
que malgré leurs différences, écriture cunéiforme et hiéroglyphe égyptien
auraient une même origine.
En Amérique Centrale Précolombienne, l’écriture glyphique naît vers
2000/1500 av. J.-C. avec l’établissement des calendriers.
En Chine, l’écriture ossécaille, ainsi nommée en raison des
caractères dits oraculaires gravés sur des os d’animaux ou des écailles de
tortue, naît vers 1400 av. J.-C..
De ces langages découlent tous les autres.
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Little historical
and cultural reminder on the book’s evolution. Let’s go back in time then,
way before the tradition of copyist monks and Johannes Gutenberg’s printing
press in 1455.
The invention of
writing precedes that of the book.
To date, Mesopotamia
is considered to be the cradle of writing. Sumerian, and its cuneiform script,
is believed to be the oldest known written language, born around 3600 B.C.. Initially, Sumerian was a reliable method to record transactions, trade and
administration too complicated for the human’s memorization capability.
The Egyptian
hieroglyph (literally sacred ‘hiero’ character ‘glyphe’) appeared around 3300
B.C.. Some specialists go as far as asserting that despite their differences,
cuneiform script and Egyptian hieroglyph might have the same origin.
In pre-Columbian
Central America, glyphic script appeared around 2000/1500 B.C. with the setting
up of calendars.
In China, the
shell-bone script, named after those characters also known as divinatory
characters carved into animal bones or tortoise shells, appeared around 1400
B.C..
From these languages
follow all the others.
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Qui dit écriture dit supports : argile, pierre, os, papyrus,
bois, bambou, cuir, métal, tissu.
La pierre est le support par excellence des textes fondateurs d’une
civilisation et ses codes administratifs.
Les tablettes de bois, brutes ou enduites de stuc ou de cire,
servaient à l’apprentissage et aux écrits utilitaires.
Les matières plus précieuses comme l’or, la soie ou l’ivoire étaient
réservées aux dieux et aux princes.
Après une tradition orale vient donc la tradition écrite.
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Writing means media:
clay, stone, bone, papyrus, wood, bamboo, leather, metal, fabrics.
Stone is the
archetypal medium of a civilization fundamental texts and administrative
codes.
Wood tablets, plain
or covered with stucco or wax, were used for the learning process and for utilitarian
documents.
The most precious
materials such as gold, silk or ivory were saved for gods and princes.
So after the oral
tradition comes the written tradition.
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Selon la définition de Denis Muzerelle, le livre
désigne un assemblage portatif d'éléments présentant une surface plane sur
lesquels un texte peut être écrit de façon durable.
Dans les traditions égyptienne et chinoise, les premiers livres
avaient la forme d’un rouleau appelé volumen, constitué de papyrus pour les
égyptiens, de soie puis de papier pour les chinois. Le texte est disposé en
colonnes alignées perpendiculairement à la longueur du rouleau.
À l'époque hellénistique et romaine, le papyrus est produit de façon
presque industrielle en Égypte afin de satisfaire les besoins du monde
méditerranéen tout entier.
A l’exception d’écrits occasionnels, l’ensemble des écrits de l'Égypte ancienne et de l'Antiquité classique gréco-romaine sont couchés sur des rouleaux. |
According to Denis
Muzerelle definition, a book designates a portable gathering of items
presenting a plane surface on which a text can be written and last for a long
time.
In Egyptian and
Chinese traditions, the first books took the form of a scroll called volumen,
made of papyrus for the Egyptian, of silk then of paper for the Chinese. The text
is arranged in columns perpendicularly lined-up to the length of the scroll.
In the Hellenistic
and Roman time, papyrus was almost produced in an industrial way in Egypt in
order to satisfy the needs of the entire Mediterranean world.
Occasional documents
aside, the whole of the Ancient Egypt and of the Greco-Roman classical
Antiquity are written down on scrolls.
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Au 2ème siècle av. J.-C., le parchemin fait son apparition à la
Bibliothèque de Pergame, Asie Mineure, pour remplacer le papyrus, alors
monopole de l’Egypte, et rivaliser avec la Bibliothèque d’Alexandrie.
Fabriqué à partir de peau animale, solide, inscriptible des deux
côtés, le parchemin se plie facilement en feuillets que l’on assemble ensuite
en cahier. Cela entraîne un changement fondamental dans l’histoire du
livre : le volumen se voit remplacé par le codex, l’ancêtre du livre
moderne.
Le rapport au livre se modifie, la notion de page apparaît, le
lecteur n’a plus besoin de tenir le livre à deux mains.
Entre le 2ème et 4ème siècle, le codex remplace
progressivement le volumen. Progressivement oui, mais pas sans
réticence : le codex n’est pas considéré comme un objet de savoir comme
le volumen, il n’est donc pas considéré comme un vrai livre !
Ca vous dit quelque chose ?
Pour l’aspect historique, dans The Birth of the Codex, publié en 1983, Robert & Skeat relatent une
anecdote qui devrait en faire sourire plus d’un aujourd’hui.
Au 3ème siècle, un litige entre deux fils fut tranché
par un juge romain. L'un des deux avait hérité des livres de son père. Mais
que désignait le terme livre ? Les seuls rouleaux de papyrus ou
englobait-il aussi les codex? La réponse du juge tombe :
« Les codex doivent aussi être considérés comme des livres. On
regroupe sous l'appellation de livres non pas des rouleaux de papyrus mais un
mode d'écriture visant une fin déterminée. »
Pour l’aspect linguistique pur, en latin, livre vient du mot liber
qui désigne d'abord une partie vivante de l'aubier se trouvant directement
sous l'écorce d'un arbre ; lire un livre se dit evolvere librum,
c'est-à-dire dérouler le papyrus.
A noter l'origine similaire du terme anglais book qui vient du mot proto-germanique bōks signifiant hêtre.
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In the 2nd
century B.C., parchment came out in the Library of Pergamun, Asia Minor, in
order to replace the papyrus, Egypt’s monopoly at the time, and to rival the
Library of Alexandria.
Made out of treated
animal skin, strong, writable on both sides, the parchment can be fold easily
into sheets that are then gathered in notebook. This lead to a fundamental
change in book history: the volumen was replaced by the codex, the ancestor
of the modern book.
The relation to the
book changes, the notion of page appears, le reader no longer needs both
hands to hold a book.
Between the 2nd
and the 4th century, the codex gradually replaced the volumen. Gradually
indeed, but not without reluctance: the codex wasn’t considered to be an
object of knowledge like the volumen, it was thus not considered to be a real
book!
Ring a bell?
For the historical
point of view, in The Birth of the Codex, published in 1983, Robert & Skeat recount an
anecdote that may bring a smile to a few faces nowadays.
During the 3rd
century, a dispute between two sons was settled by a Roman judge. One of the
sons inherited the books of his father. But what did the term book designate?
Solely the papyrus scrolls or did it include also the codexes? The answer of
the judge came out:
“The codexes must be
regarded as books. Scrolls of papyri are not contained under the label book, but
a mode of writing aiming at a definite end is.”
For the pure linguistic
point of view, in Latin, livre (book) comes from the word liber which firstly designates
a live part of the sapwood directly under the bark a tree; lire un livre (to read a book) is
said evolvere librum, that is to say unroll the papyrus.
Do note the similar root of the English word book that comes from the proto-germanic word bōks, meaning beech.
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Dans notre monde moderne, le numérique est omniprésent ou presque et
évolue à vitesse grand V.
Le numérique envahit nos vies et s’invite dans nos montres, nos
téléphones, nos voitures, nos maisons, même dans nos vêtements.
Nous n’envoyons plus de missives, les lettres se font rares, les SMS
et mails quotidiens.
Grâce à l’internet, encyclopédies, dictionnaires et autres savoirs se
trouvent à porté de clic.
Il semble alors évident si ce n’est logique que le livre suive le
même chemin.
Deux millénaires plus tôt, avant de céder sa place au codex, seul le volumen
était considéré comme un vrai livre. Pourquoi donc se voiler la face et
refuser une évolution technologique du support ? Faudra-t-il attendre
deux siècles pour que le livre numérique ne soit qu’un simple livre ?
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In our modern world,
dematerialization is omnipresent or nearly so and develops on the double.
Dematerialization
invades our lifes and invites itself in our watches, our phones, our cars,
our houses, and even in our clothes.
We no longer send
missives, letters are getting scarce, text messages and emails a daily occurrence.
Thanks to the
Internet, encyclopedias, dictionaries and other knowledge are within reach of
a click. It seems rather obvious if not logical for a book to follow the same
path.
Two millennia earlier,
before being replaced by the codex, the volumen alone was considered to be a
real book. Why then look the other way and reject a technological advancement
of the medium? Will it be necessary to wait two centuries for the eBook to be
a simple book?
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A lire mon post, vous avez du déroule la barre de défilement. En réalité,
vous avez agit de la même manière qu’un lecteur de l’Egypte Ancienne, vous
avez déroulé un volumen. La seule différence est qu’il est numérique et
présent partout sur la toile.
Aujourd’hui, le volumen n’a plus de support physique, exception faite
de la Torah de l’office religieux dont le parchemin porte alors le nom de
Sefer Torah.
Si on prend le temps de décrire le support du livre numérique, on
constate que la tablette ou la liseuse épouse le format de la tablette
d'argile sumérienne et que les pages se déroulent comme les rouleaux de papyrus.
Après le volumen est venu le codex, après le codex le manuscrit,
après le manuscrit le livre imprimé. Le livre imprimé laissera un jour sa
place au livre numérique.
Tous ces objets sont des assemblages portatifs d'éléments présentant
une surface plane sur lesquels un texte peut être écrit de façon durable.
Tous ces objets sont des livres.
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Reading my post, you
had to roll down the scroll bard. In actual fact, you acted the same way an Ancient
Egypt reader would, you have unrolled a volumen. The only difference is that it
is digital and present everywhere on the web.
Nowadays, the
volumen has no physical format with the exception of the Torah of the
religious Service, the parchment is then called the Sefer Torah.
If you make time to
describe the medium of the eBook, you notice that the tablet computer or the
e-reader adopts the format of the Sumerian clay tablet and that the pages
unroll like scrolls of papyri.
After the volumen came
the codex, after the codex the manuscript, after the manuscript the printed
book. The printed book will one day be replaced by the eBook.
All these objects
are portable gatherings of items presenting a plane surface on which a text
can be written and last for a long time.
All these objects
are books.
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