14 mars 2015

[Fr] Pixel ou encre, un livre reste un livre ¤ [En] Pixel or ink, a book will be a book

Rosetta Stone ¤ British Museum

[Fr]

[En]

Ce 5 mars 2015, à Bruxelles, la Cour de Justice de l’Union Européenne a tranché : la TVA appliqué en France au livre numérique ne sera plus de 5,5 % comme le livre papier, mais repassera à 20 %.

La raison : le livre numérique est un bien dématérialisé, il est a considéré comme un service et non un bien culturel.

Bien.

Soyons pragmatique juste un instant. Quelle est la différence entre livre numérique et livre papier ? Le support !

L’unique différence est le support !

Pour la Cour de Justice de l’Union Européenne, le livre numérique n’est donc pas considéré un livre à part entière. Mais sait-elle cette chère CJUE que deux millénaires plus tôt le livre tel que nous le connaissons n’était lui-même pas considéré comme un vrai livre lui aussi ?

This March 5th, 2015, in Brussels, the Court of Justice of the European Union settled: in France, the VAT applied on eBook would no longer be of 5.5 % as on print copy, but will go back to the 20 % rate.

The reason: the eBook is a digitalized good, it is to be considered as a service, not a cultural good.

Well.

Let’s just be pragmatic here for a minute. What is the difference between an eBook and a print copy? The medium.

The only difference is the medium!

So, for the Court of Justice of the European Union, an eBook isn’t considered to be a fully-fledged book. But does the CJEU dearest know that two millennia back, the book as we know it wasn’t itself considered to be a real book either?
Scribe accroupi ¤ Musée du Louvre
Saqqarah (Serapeum), Ancien Empire, vers 2400 av. J.-C.

Petit rappel historique et culturel sur l’évolution du livre. Revenons donc en arrière, bien avant la tradition des moines copistes et de l’imprimerie de Johannes Gutenberg en 1455.

L’invention de l’écriture précède celle du livre.

A ce jour, la Mésopotamie est considérée comme le berceau de l’écriture. Le sumérien, et son écriture cunéiforme, serait la plus ancienne langue écrite connue, née vers 3600 av. J.-C.. A l’origine, le sumérien était une méthode fiable d’enregistrement des transactions, le commerce et l’administration trop complexe pour les capacités de mémorisation de l’homme.

Le hiéroglyphe (littéralement caractère ‘glyphe’ sacré ‘hiéros’) égyptien naît vers 3300 av. J.-C..
Certains spécialistes vont jusqu’à affirmer que malgré leurs différences, écriture cunéiforme et hiéroglyphe égyptien auraient une même origine.

En Amérique Centrale Précolombienne, l’écriture glyphique naît vers 2000/1500 av. J.-C. avec l’établissement des calendriers.

En Chine, l’écriture ossécaille, ainsi nommée en raison des caractères dits oraculaires gravés sur des os d’animaux ou des écailles de tortue, naît vers 1400 av. J.-C..

De ces langages découlent tous les autres.

Little historical and cultural reminder on the book’s evolution. Let’s go back in time then, way before the tradition of copyist monks and Johannes Gutenberg’s printing press in 1455.

The invention of writing precedes that of the book.

To date, Mesopotamia is considered to be the cradle of writing. Sumerian, and its cuneiform script, is believed to be the oldest known written language, born around 3600 B.C.. Initially, Sumerian was a reliable method to record transactions, trade and administration too complicated for the human’s memorization capability.

The Egyptian hieroglyph (literally sacred ‘hiero’ character ‘glyphe’) appeared around 3300 B.C.. Some specialists go as far as asserting that despite their differences, cuneiform script and Egyptian hieroglyph might have the same origin.

In pre-Columbian Central America, glyphic script appeared around 2000/1500 B.C. with the setting up of calendars.

In China, the shell-bone script, named after those characters also known as divinatory characters carved into animal bones or tortoise shells, appeared around 1400 B.C..

From these languages follow all the others.

Caractères oraculaires sur plastron de tortue
Musée de Guimet ¤ Chine, XIVe-XIe siècle av. J.-C.

Qui dit écriture dit supports : argile, pierre, os, papyrus, bois, bambou, cuir, métal, tissu.

La pierre est le support par excellence des textes fondateurs d’une civilisation et ses codes administratifs.
Les tablettes de bois, brutes ou enduites de stuc ou de cire, servaient à l’apprentissage et aux écrits utilitaires.
Les matières plus précieuses comme l’or, la soie ou l’ivoire étaient réservées aux dieux et aux princes.

Après une tradition orale vient donc la tradition écrite.

Writing means media: clay, stone, bone, papyrus, wood, bamboo, leather, metal, fabrics.

Stone is the archetypal medium of a civilization fundamental texts and administrative codes.
Wood tablets, plain or covered with stucco or wax, were used for the learning process and for utilitarian documents.
The most precious materials such as gold, silk or ivory were saved for gods and princes.

So after the oral tradition comes the written tradition.


Selon la définition de Denis Muzerelle, le livre désigne un assemblage portatif d'éléments présentant une surface plane sur lesquels un texte peut être écrit de façon durable.

Dans les traditions égyptienne et chinoise, les premiers livres avaient la forme d’un rouleau appelé volumen, constitué de papyrus pour les égyptiens, de soie puis de papier pour les chinois. Le texte est disposé en colonnes alignées perpendiculairement à la longueur du rouleau.

À l'époque hellénistique et romaine, le papyrus est produit de façon presque industrielle en Égypte afin de satisfaire les besoins du monde méditerranéen tout entier.

A l’exception d’écrits occasionnels, l’ensemble des écrits de l'Égypte ancienne et de l'Antiquité classique gréco-romaine sont couchés sur des rouleaux.

According to Denis Muzerelle definition, a book designates a portable gathering of items presenting a plane surface on which a text can be written and last for a long time.

In Egyptian and Chinese traditions, the first books took the form of a scroll called volumen, made of papyrus for the Egyptian, of silk then of paper for the Chinese. The text is arranged in columns perpendicularly lined-up to the length of the scroll.

In the Hellenistic and Roman time, papyrus was almost produced in an industrial way in Egypt in order to satisfy the needs of the entire Mediterranean world.

Occasional documents aside, the whole of the Ancient Egypt and of the Greco-Roman classical Antiquity are written down on scrolls.

Codex : De civitate dei (La cité de Dieu)
Saint Augustin d'Hippone (354–430)

Au 2ème siècle av. J.-C., le parchemin fait son apparition à la Bibliothèque de Pergame, Asie Mineure, pour remplacer le papyrus, alors monopole de l’Egypte, et rivaliser avec la Bibliothèque d’Alexandrie.

Fabriqué à partir de peau animale, solide, inscriptible des deux côtés, le parchemin se plie facilement en feuillets que l’on assemble ensuite en cahier. Cela entraîne un changement fondamental dans l’histoire du livre : le volumen se voit remplacé par le codex, l’ancêtre du livre moderne.

Le rapport au livre se modifie, la notion de page apparaît, le lecteur n’a plus besoin de tenir le livre à deux mains.

Entre le 2ème et 4ème siècle, le codex remplace progressivement le volumen. Progressivement oui, mais pas sans réticence : le codex n’est pas considéré comme un objet de savoir comme le volumen, il n’est donc pas considéré comme un vrai livre !

Ca vous dit quelque chose ?

Pour l’aspect historique, dans The Birth of the Codex, publié en 1983, Robert & Skeat relatent une anecdote qui devrait en faire sourire plus d’un aujourd’hui.
Au 3ème siècle, un litige entre deux fils fut tranché par un juge romain. L'un des deux avait hérité des livres de son père. Mais que désignait le terme livre ? Les seuls rouleaux de papyrus ou englobait-il aussi les codex? La réponse du juge tombe :
« Les codex doivent aussi être considérés comme des livres. On regroupe sous l'appellation de livres non pas des rouleaux de papyrus mais un mode d'écriture visant une fin déterminée. »

Pour l’aspect linguistique pur, en latin, livre vient du mot liber qui désigne d'abord une partie vivante de l'aubier se trouvant directement sous l'écorce d'un arbre ; lire un livre se dit evolvere librum, c'est-à-dire dérouler le papyrus.
A noter l'origine similaire du terme anglais book qui vient du mot proto-germanique bōks signifiant hêtre.

In the 2nd century B.C., parchment came out in the Library of Pergamun, Asia Minor, in order to replace the papyrus, Egypt’s monopoly at the time, and to rival the Library of Alexandria.

Made out of treated animal skin, strong, writable on both sides, the parchment can be fold easily into sheets that are then gathered in notebook. This lead to a fundamental change in book history: the volumen was replaced by the codex, the ancestor of the modern book.

The relation to the book changes, the notion of page appears, le reader no longer needs both hands to hold a book.

Between the 2nd and the 4th century, the codex gradually replaced the volumen. Gradually indeed, but not without reluctance: the codex wasn’t considered to be an object of knowledge like the volumen, it was thus not considered to be a real book!

Ring a bell?

For the historical point of view, in The Birth of the Codex, published in 1983, Robert & Skeat recount an anecdote that may bring a smile to a few faces nowadays.
During the 3rd century, a dispute between two sons was settled by a Roman judge. One of the sons inherited the books of his father. But what did the term book designate? Solely the papyrus scrolls or did it include also the codexes? The answer of the judge came out:
“The codexes must be regarded as books. Scrolls of papyri are not contained under the label book, but a mode of writing aiming at a definite end is.”

For the pure linguistic point of view, in Latin, livre (book) comes from the word liber which firstly designates a live part of the sapwood directly under the bark a tree; lire un livre (to read a book) is said evolvere librum, that is to say unroll the papyrus.
Do note the similar root of the English word book that comes from the proto-germanic word bōks, meaning beech.

Le Sutra de la Grande Vertu de sagesse
Volumen de soie ¤ Chine, fin du Ve siècle.

Dans notre monde moderne, le numérique est omniprésent ou presque et évolue à vitesse grand V.

Le numérique envahit nos vies et s’invite dans nos montres, nos téléphones, nos voitures, nos maisons, même dans nos vêtements.
Nous n’envoyons plus de missives, les lettres se font rares, les SMS et mails quotidiens.

Grâce à l’internet, encyclopédies, dictionnaires et autres savoirs se trouvent à porté de clic.
Il semble alors évident si ce n’est logique que le livre suive le même chemin.

Deux millénaires plus tôt, avant de céder sa place au codex, seul le volumen était considéré comme un vrai livre. Pourquoi donc se voiler la face et refuser une évolution technologique du support ? Faudra-t-il attendre deux siècles pour que le livre numérique ne soit qu’un simple livre ?

In our modern world, dematerialization is omnipresent or nearly so and develops on the double.

Dematerialization invades our lifes and invites itself in our watches, our phones, our cars, our houses, and even in our clothes.
We no longer send missives, letters are getting scarce, text messages and emails a daily occurrence.

Thanks to the Internet, encyclopedias, dictionaries and other knowledge are within reach of a click. It seems rather obvious if not logical for a book to follow the same path.

Two millennia earlier, before being replaced by the codex, the volumen alone was considered to be a real book. Why then look the other way and reject a technological advancement of the medium? Will it be necessary to wait two centuries for the eBook to be a simple book?

A lire mon post, vous avez du déroule la barre de défilement. En réalité, vous avez agit de la même manière qu’un lecteur de l’Egypte Ancienne, vous avez déroulé un volumen. La seule différence est qu’il est numérique et présent partout sur la toile.
Aujourd’hui, le volumen n’a plus de support physique, exception faite de la Torah de l’office religieux dont le parchemin porte alors le nom de Sefer Torah.

Si on prend le temps de décrire le support du livre numérique, on constate que la tablette ou la liseuse épouse le format de la tablette d'argile sumérienne et que les pages se déroulent comme les rouleaux de papyrus.

Après le volumen est venu le codex, après le codex le manuscrit, après le manuscrit le livre imprimé. Le livre imprimé laissera un jour sa place au livre numérique.

Tous ces objets sont des assemblages portatifs d'éléments présentant une surface plane sur lesquels un texte peut être écrit de façon durable.

Tous ces objets sont des livres.

Reading my post, you had to roll down the scroll bard. In actual fact, you acted the same way an Ancient Egypt reader would, you have unrolled a volumen. The only difference is that it is digital and present everywhere on the web.
Nowadays, the volumen has no physical format with the exception of the Torah of the religious Service, the parchment is then called the Sefer Torah.

If you make time to describe the medium of the eBook, you notice that the tablet computer or the e-reader adopts the format of the Sumerian clay tablet and that the pages unroll like scrolls of papyri.

After the volumen came the codex, after the codex the manuscript, after the manuscript the printed book. The printed book will one day be replaced by the eBook.

All these objects are portable gatherings of items presenting a plane surface on which a text can be written and last for a long time.

All these objects are books.


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